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LA RÉGULATION DES MARCHÉS N'EST PAS ENCORE GAGNÉE

Stéphane Le Foll 49 ans, député européen (groupe socialiste) depuis 2004, membre de la commission de l'agriculture du Parlement, professeur d'économie. Il a créé en 2006 le groupe Saint-Germain qui anime une réflexion sur les agricultures et l'alimentation de demain dans un contexte de mondialisation et de recherche d'une plus grande durabilité des modes de production. Ce groupe, placé sous la présidence d'honneur d'Edgar Pisani, rassemble une quarantaine de chercheurs, d'experts publics et de r

Il faudra être très intelligent politiquement pour convaincre une majorité, en Europe, qui ne croit pas à une régulation des volumes par la puissance publique

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Comment analysez-vous les discours volontaristes de Bruno Le Maire qui dit avoir fait bouger les lignes en faveur d'une régulation des marchés laitiers ?

Stéphane Le Foll : Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a sans doute la volonté d'amener un projet de régulation sur les marchés laitiers mais on a du mal à voir à quoi il fait référence et à quels résultats cela va aboutir. Il n'a obtenu à ce jour que la mise en place d'un groupe d'experts totalement opaque. On ne sait ni qui y participe ni de quoi ils parlent. Et il faudra attendre le mois de juin pour connaître ses conclusions ! Après la crise que nous avons traversée, ce secret autour de la régulation n'est pas acceptable. C'est antidémocratique. Le traité de Lisbonne donne au Parlement européen un pouvoir de codécision, donc une responsabilité. Nous ne pouvons pas accepter que la Commission et les chefs d'État décident seuls sur ce sujet. Je vais demander d'ailleurs qu'un débat soit organisé au sein de la commission agricole du Parlement européen.

Quel devrait être le cadre de cette régulation des marchés ?

S.L.F. : Sur la question de la contractualisation, qui consiste à engager producteurs de lait et transformateurs sur un contrat permettant, entre autres, de gérer des volumes et d'assurer des débouchés, je considère qu'il faudra un cadre juridique européen. Car la tentation est grande actuellement de renationaliser la Pac et de laisser les États entrer dans une concurrence qui sera dommageable pour les plus fragiles. Le deuxième point consistera à déterminer, au sein de l'UE, un guide objectif en terme de volumes de production. Cela pourrait prendre la forme d'une négociation pluriannuelle pour évaluer l'évolution de la production laitière et corriger les excès de l'offre. Avec la disparition des quotas, que j'ai combattue, le risque est grand que les États ou les régions qui possèdent un potentiel important développent leur production et déstabilisent le marché. Cela pourrait conduire à une standardisation des produits avec la poudre et le beurre comme marché directeur. L'Europe laitière a tout à perdre à jouer ce jeu. Elle doit se recentrer sur sa consommation intérieure et sur l'exportation de produits à forte valeur ajoutée. Ce sont les conclusions auxquelles a abouti la Cour des comptes européenne. Il faut que nous réussissions à le faire comprendre car l'enjeu dépasse largement la politique laitière. Cela vaut globalement pour toute l'agriculture et pour bien d'autres secteurs de l'économie.

Le Parlement aura-t-il le pouvoir d'influer dans ce sens. Et quid de la nouvelle Commission ?

S.L.F. : Il faudra pour cela trouver une majorité en faveur de la régulation et à l'heure où je vous parle, ce n'est pas certain. L'idée maîtresse aujourd'hui reste la suppression des quotas et davantage de concurrence. La régulation, pour beaucoup d'états et de députés, ce n'est que de la lourdeur administrative. Exemple : en pleine crise du lait, avec des excédents qui s'accumulaient, j'ai fait une proposition au Parlement qui consistait à geler temporairement l'augmentation des quotas décidée dans le cadre du bilan de santé de la Pac. Je n'ai pas eu la majorité. Les libéraux préfèrent dépenser plus d'argent pour les stocks d'intervention ou les restitutions plutôt que d'envisager de limiter les volumes produits. Leur credo : ne pas revenir sur ce qui a été décidé lors du bilan de santé et attendre que les marchés remontent. Il faudra être très intelligent politiquement pour les convaincre qu'une autre voie est possible. Il y a là un enjeu stratégique majeur sur le plan économique, social et environnemental. Quant au rôle que pourrait avoir la nouvelle Commission et le nouveau commissaire, Dacian Ciolos, nous verrons cela début 2010. Mais je crains que les chefs d'État et de gouvernement restent sur la ligne d'une concurrence généralisée.

PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE GRÉMY

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